Rencontre avec les Autorités Locales pour la Conservation du Singe à Ventre Rouge sur l’île d’Agonvè
Le lundi 5 mai 2025, une rencontre s’est tenue dans l’arrondissement de Kpedekpo dans le cadre du projet intitulé « Community-based conservation of red-bellied monkeys and wetland ecosystems on Agonve island, Benin », financé par la Fondation Rufford. Elle a réuni Stanislas Mahussi Gandaho, coordonnateur du projet, accompagné de Josué Ayeko, Thomase Davodoun et Myriame Salanon. L’équipe a pris contact avec six principales personnalités locales, notamment le Chef d’arrondissement de Kpedekpo, les chefs des villages de Wometo, Agonvè et Agonkpodji, ainsi que deux jeunes leaders communautaires issus de ces localités.
Objectif de la Rencontre
Cette rencontre avait pour principal objectif de présenter aux autorités locales le projet de conservation du singe à ventre rouge (Cercopithecus erythrogaster) et de recueillir leurs recommandations et préoccupations. Il s’agit d’une démarche participative visant à ancrer le projet dans les réalités locales, en tenant compte des savoirs, des besoins et des contraintes des communautés riveraines.
Présentation du Projet et Contexte Écologique
Le coordonnateur du projet, Stanislas Mahussi Gandaho, a ouvert la séance en dressant un tableau de l’évolution de l’environnement sur l’île d’Agonvè au cours des 15 à 20 dernières années. Il a mis en lumière la dégradation progressive des écosystèmes forestiers, le recul de la biodiversité et la pression croissante exercée sur les habitats naturels. L’un des exemples les plus parlants est la situation critique des primates, dont le singe à ventre rouge, une espèce endémique du Bénin et du Nigéria, aujourd’hui classée « en danger » par l’UICN.
La présentation a souligné le rôle écologique majeur que jouent ces primates dans leur habitat. Le singe à ventre rouge est un acteur clé de la régénération forestière : en se nourrissant de fruits et en dispersant les graines dans la forêt, il contribue activement à la dynamique végétale. Cette fonction écologique est d’autant plus importante dans des milieux insulaires fragiles comme celui d’Agonvè.
Sur le plan économique, la présence de cette espèce rare peut favoriser le développement de l’écotourisme sur l’île d’Agonvè. L’observation des singes dans leur habitat naturel peut devenir une source alternative de revenus pour les communautés, si elle est encadrée de manière durable. Le coordonnateur a ainsi résumé la vision du projet en ces mots : « Pour présenter notre mission à Agonvè en deux mots, c’est Agonvè Révélé ». Cette démarche vise à valoriser le territoire à travers la conservation de sa biodiversité.
Outils de Communication et Approche Inclusive
Une stratégie de communication inclusive a été mise en œuvre afin de garantir un accès équitable à l’information pour l’ensemble des communautés concernées. À cet effet, des dépliants bilingues, rédigés en français et en fon (la langue locale), ont été distribués aux participants. Ces supports illustrés contiennent des informations essentielles sur le singe à ventre rouge : sa description, son habitat, les menaces auxquelles il fait face, les avantages liés à sa conservation, ainsi que les gestes à adopter pour le protéger.
Cette initiative a été chaleureusement saluée par les participants, qui y ont reconnu un signe de respect pour leur culture et d’engagement réel envers leur implication dans le projet. Dans le but d’élargir la sensibilisation, des paquets de ces dépliants ont été remis aux chefs villages, avec la recommandation de les partager à d’autres membres de la communauté. Ces derniers sont également encouragés à transmettre les informations reçues et à inviter leurs pairs à participer activement à l’atelier interactif prévu dans les jours à venir. Cette démarche vise à assurer une mobilisation communautaire large et une meilleure appropriation du projet à l’échelle locale.
Préoccupations Soulevées par la Communauté
Les échanges ont mis en lumière plusieurs préoccupations exprimées par les représentants des communautés. L’une des principales inquiétudes porte sur les conflits récurrents entre les agriculteurs et certains primates, particulièrement durant la saison agricole. Ces animaux, en quête de nourriture, s’introduisent régulièrement dans les champs et causent d’importants dégâts aux cultures, compromettant ainsi les moyens de subsistance des habitants.
Une question a donc été soulevée quant aux moyens de protection que les populations pourraient adopter pour se prémunir de ces intrusions sans porter atteinte à la faune. Le coordonnateur a tenu à rappeler avec fermeté que, même si le projet se concentre principalement sur la conservation du singe à ventre rouge et d’autres espèces menacées, il reste attentif aux réalités agricoles locales. Toutefois, il a condamné sans ambiguïté les actes de violence envers les animaux, précisant que toute forme d’agression ou de tuerie est inadmissible dans le cadre de la conservation.
En réponse aux préoccupations, plusieurs mesures dissuasives non violentes ont été évoquées. Parmi celles-ci figurent :
- L’installation de filets de protection à maille fine, qui forment une barrière physique entre les zones agricoles et les forêts. Leur texture empêche les singes de grimper et limite les incursions tout en évitant les blessures.
- L’utilisation de dispositifs sonores, tels que des objets métalliques suspendus ou des boîtes à bruit, qui peuvent produire des sons perturbateurs lorsque les animaux s’approchent des champs.
- La mise en place d’épouvantails animés, équipés de mouvements mécaniques ou de vêtements humains, pour créer l’illusion de présence humaine et dissuader les primates d’approcher.
Par ailleurs, une autre question essentielle a été soulevée : que se passera-t-il si, après l’inventaire faunique prévu, le singe à ventre rouge s’avère absent de la zone ciblée ? Est-ce qu’une translocation sera opérée ? Le coordonnateur a rassuré l’assemblée en affirmant que l’objectif du projet resterait valide. Dans une telle situation, l’effort se porterait sur la restauration de l’habitat pour favoriser un éventuel retour naturel de l’espèce ou pour protéger d’autres espèces prioritaires encore présentes. La translocation d’individus ne constitue pas l’option privilégiée, mais pourrait être envisagée à long terme si les conditions écologiques et techniques le permettent.
Enfin, le coordonnateur a précisé que ces propositions ne sont qu’un point de départ. L’atelier interactif, prévu dans les jours à venir, offrira un espace de dialogue avec la communauté pour recueillir d’autres idées locales. Les suggestions qui en émergeront seront analysées avec soin afin d’identifier les mesures les plus pertinentes et réalisables à mettre en œuvre sur le terrain.
Engagements Locaux et Perspectives
Le Chef d’arrondissement a pris la parole pour remercier l’équipe de Naben pour son engagement continu envers le développement durable de l’île. Il a insisté sur l’importance de sécuriser les caméras pièges que le projet prévoit d’installer, en suggérant de les positionner à des endroits stratégiques et discrets. Il a également encouragé le porteur du projet à penser à la durabilité des actions, notamment à travers une bonne gestion des fonds et une planification de projets successifs logiques et pérennes.
D’autres intervenants ont exprimé leur enthousiasme et leur volonté d’accompagner activement le projet, en particulier lors des prochaines étapes participatives.
Prochaine Étape : Atelier Interactif
La séance s’est clôturée sur une proposition d’atelier interactif à venir, au cours duquel la communauté sera invitée à formuler des idées de solutions concrètes et adaptées. Afin de garantir une participation massive et un choix consensuel, la date de cet atelier sera proposée ultérieurement par les chefs villages après consultation communautaire.
Nous exprimons notre profonde gratitude à la Fondation Rufford pour son précieux soutien financier. Grâce à cet engagement en faveur de la conservation de la biodiversité à l’échelle mondiale, ce projet a pu voir le jour sur l’île d’Agonvè. L’appui nous permet aujourd’hui de mobiliser les communautés locales autour de la protection du singe à ventre rouge.